« espace intermédiaire juste avant dégringolade
nombres et corps plongée dans le zéro
œil vers et dans le sans-objet
on n’est à personne son contemporain
poétiquez donc cette prose
au devant d’une dame
c’est-à-dire derrière elle
puisque c’est son dos que l’on voit elle
elle a comme on dit bon dos »
C’est un livre de colère et de violence qu’a écrit là Liliane Giraudon. Colère envers l’art et la poésie qui ne sauvent de rien, et surtout pas de la violence faite aux femmes et aux hommes. Alors elle parcourt cet art et cette poésie, à...
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« espace intermédiaire juste avant dégringolade
nombres et corps plongée dans le zéro
œil vers et dans le sans-objet
on n’est à personne son contemporain
poétiquez donc cette prose
au devant d’une dame
c’est-à-dire derrière elle
puisque c’est son dos que l’on voit elle
elle a comme on dit bon dos »
C’est un livre de colère et de violence qu’a écrit là Liliane Giraudon. Colère envers l’art et la poésie qui ne sauvent de rien, et surtout pas de la violence faite aux femmes et aux hommes. Alors elle parcourt cet art et cette poésie, à grandes enjambées nerveuses, elle les malmène et interroge leurs oeuvres, leur exemple, leur souvenir :
Personnages par ordre d’apparition :
Sarah Bernhardt (1844-1923), Gherasim Luca (1913-1994), Alexandre Blok (1880-1921), Charlotte-Élisabeth de Bavière (1652-1722), John Maynard Keynes (1883-1946), Richard Wagner (1813-1883), Louise Bourgeois (1911-2010), Christine Lavant (1915-1973), Jeanne d’Arc (1412-1431), Ingeborg Bachmann (1926-1973), Arnold Schoenberg (1874-1951), Jean-Marie Straub (8 janvier 1933-), Danièle Huillet (1936-2006), Karl Marx (1818-1883), Friedrich Engels (1820-1895), Lénine (1870-1924), Vélimir Khlebnikov (1885-1922), Alexeï Kroutchonykh (1886-1968), Daniil Harms (1904-1942), Eva Hesse (1936-1970) Cy Twombly (25 avril 1928-) Grace Hartigan (1922-2008), Frank O’Hara (1926-1966), Hannah Höch (1889-1978), Hans Arp (1886-1966), Til Brugman (1888-1958), Hélène Bessette (1918-2000), Jackson Pollock (1912-1956), Razine (1630-1671), Emily Dickinson (1830-1886), Josée Lapeyrère (1944-2007), Erich von Stroheim (1885-1957), Alexandre Pouchkine (1799-1837), Saint Paul de Tarse (15-67)
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Le livre est écrit en homme à Sarah Bernard, « amie des communards et dreyfusarde que ses ennemis appelaient "l’omelette rouge" ». Il est composé d’un ensemble de sept parties comme sept déflagrations. Pour chacune d’entre elles, le poème ouvre sur une « constellation [de] lignes où sommeillent des phrases » et où fait signe l’existence. Le poète y propose « une ballade semi-barbare » et s’insurge contre une société pour laquelle la poésie ne peut rien. Sexe outrancier, drogue consolatrice, dérèglement des sens, violence commune : le mal paraît endémique. Alors, comment dire ce dérèglement des sens quand une dénonciation ne suffit plus à l’indignation sinon en déréglant à son tour le langage du poème? Car n’est-on pas en train de vivre une omelette rouge humaine, « un état rouge jamais pesant » à force d’habitude du rouge? Ne vit-on pas une « dépression nerveuse universelle » ?
Régis Lefort, CCP, 2012