Qu’y a-t-il dans le livre d’un écrivain qui dit
Aujourd’hui je dors ? Des rêves ? Il n’y en a pas un seul. Sans doute parce qu’il ne dort que d’un œil. Qu’il veille, comme les bêtes.
Le livre commence par se demander ce qu’il est, ce qu’il va faire de cette veille prolongée. Les choses viennent d’elles-mêmes : qu’est-ce qu’un albatros ? un drôle d’oiseau ; à quoi sert la ponctuation ? à vivre ; qui est Frank Venaille ? un poète. Des choses passent devant l’œil de celui qui veille, il leur saute dessus et, leur réglant leur compte, nous les place sous un nouveau jour....
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Qu’y a-t-il dans le livre d’un écrivain qui dit
Aujourd’hui je dors ? Des rêves ? Il n’y en a pas un seul. Sans doute parce qu’il ne dort que d’un œil. Qu’il veille, comme les bêtes.
Le livre commence par se demander ce qu’il est, ce qu’il va faire de cette veille prolongée. Les choses viennent d’elles-mêmes : qu’est-ce qu’un albatros ? un drôle d’oiseau ; à quoi sert la ponctuation ? à vivre ; qui est Frank Venaille ? un poète. Des choses passent devant l’œil de celui qui veille, il leur saute dessus et, leur réglant leur compte, nous les place sous un nouveau jour. C’est Voltaire par exemple qui joue au chat et à la souris avec un certain Palissot : n’est-ce pas un jeu d’aujourd’hui ? Mais si mais si. C’est Sangatte dont bien des journalistes ont parlé : la poésie s’en mêle et dit ce que c’est que Sangatte. Car voici ce qu’il y a dans le livre, presque tout les genres, de l’anecdote au roman en vers, du cut-up au couteau à pain au ciselage d’un vers de dix-sept pieds, de la liste à n’en plus finir à la notation brève ; tous les tons, ou presque, de l’humour grinçant à l’humeur noire, de l’amusement léger à une vague de tristesse ; il y a même une chanson d’amour que le lecteur pourra mettre en musique s’il veut. Ce qu’il n’y a pas, c’est une histoire. Dominique Meens ne raconte pas d’histoires, ne se raconte pas d’histoires. Il a d’ailleurs un ton quelque peu comminatoire parfois, du genre « ne me faites pas d’histoires hein ! » Ce pourrait d’ailleurs être une bonne introduction, un premier exercice, pour ceux qui redouteraient de lire des livres sans histoires. Parce qu’en vrai, il y en a une, celle d’un écrivain qui ne dort que d’un œil.
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Sous ce titre pris d’une déclaration du lettriste Wolman, on embarque à bord d’un « grand livre », c’est le narrateur qui l’ironise, et aussi qu’il a « l’intention de surveiller [s]es phrases ». Meens invente le réalisme biographique, promenant un miroir dans le cerveau d’un lecteur compétent, traquant le sommeil du rossignol chez les auteurs grecs ou citant Voltaire et Palissot sur trente pages. Une prose musicale et musicologique : « La musique baroque (...) ne peint pas, elle parle ».
Libération, 18 décembre 2003.